Construire durable, un enjeu pour toute une filière
Construire durable, un enjeu pour toute une filière
La nécessité de réduire l’empreinte carbone de la construction motive les professionnels à trouver des solutions à tous les stades d’un projet immobilier. Mais celles-ci sont parfois complexes à mettre en œuvre.

Construire durable, un enjeu pour toute une filière

La nécessité de réduire l’empreinte carbone de la construction motive les professionnels à trouver des solutions à tous les stades d’un projet immobilier. Mais celles-ci sont parfois complexes à mettre en œuvre.

Réversibilité des bâtiments, lutte contre les émissions de carbone , emploi de matériaux biosourcés (chanvre, bois..) ou encore investissements importants dans la formation : le secteur de la construction est plus que jamais engagé sur la voie de la construction durable. Mais cette route vers une production décarbonée est semée d’embûches de natures diverses.

Des exigences réglementaires parfois en décalage avec ce qu’il est possible de faire

Le consensus autour de la nécessité d’améliorer le bilan carbone de la construction est réel chez les professionnels de la filière. Étroitement associés à l’expérimentation nationale E+C-  lancée à l’automne 2016, ils ont par leurs contributions permis de dessiner les contours de la nouvelle réglementation environnementale RE 2020 . Conscients qu’un changement de modèle est nécessaire, ils s’organisent pour optimiser la conception des bâtiments et la gestion des chantiers – en témoignent les efforts entrepris pour réduire et assurer une meilleure gestion des déchets  par exemple.

Mais il est parfois difficile de faire coïncider la réalité du terrain avec les exigences des nouveaux dispositifs réglementaires. C’est notamment le cas des matériaux de réemploi  , utilisés dans le neuf comme la rénovation  : la demande est forte du côté des constructeurs et elle peine à être satisfaite. Un comble pour une filière d’approvisionnement présentée comme une solution prometteuse aux pénuries de matériaux.

La faute à un problème de structuration des filières, qui met dans l’embarras certains opérateurs pour des matériaux de réemploi comme les faux-planchers, l’un des produits les plus recherchés pour sa contribution à la réduction du poids carbone d’un bâtiment tertiaire et améliorer son impact environnemental. Les contraintes sont nombreuses en termes de logistique, coûts ou encore d’assurabilité et dissuadent l’utilisation de ces matériaux lors de certains projets. 

De bonnes intentions qui ont parfois du mal à résister à la force des habitudes

Autre obstacle à dépasser, le décalage parfois criant entre les exigences de clients épris de bâtiments à faibles consommations énergétiques, et les pratiques des occupants. 
Alors que l’ADEME recommande une température de 19° dans un bureau ou pièce de vie en hiver et de 26° en été (ou d’une différence avec l’extérieur de maximum 7°) il est souvent observée une surconsommation énergétique des dispositifs de chauffage et climatisation, qui pèsent dans le bilan carbone des bâtiments. 

Par ailleurs, un bâtiment pourra avoir été bien conçu et bien réalisé pour respecter à la lettre les exigences de la réglementation environnementale, pour au bout du compte pâtir de la façon dont il est utilisé et entretenu. Avec pour conséquences des remontées de données peu parlantes pour garantir voire améliorer son efficience et garantir une performance énergétique sur le long terme.

Un effort de formation de grande ampleur pour tous

Du côté de l’ensemble des professionnels, la formation est l’une des clés de leur appropriation et leur adhésion aux techniques de la construction durable. Des cours portant sur les critères environnementaux et les matériaux biosourcés vont progressivement irriguer l’ensemble des cursus de formation initiale aux métiers du bâtiment.

Pour les professionnels déjà installés, l’heure est la complémentarité : efforts de sensibilisation des pouvoirs publics, travail d’information de la part des fournisseurs, partage de la connaissance entre pairs - à l’instar de ce que propose par exemple l’Association BBCA .

Et du coup, on pourrait ajouter les utilisateurs des bâtiments qu’il faut également sensibiliser et qu’il faut amener vers des changements de comportements ou des attentes. Exemple avec le Championnat de France des économies d’énergie, qui vise à engager les occupants des bâtiments dans une meilleure connaissance des enjeux, des équipements et de les mettre en action.

Une ambition politique qui ne doit pas dévier


Certes, les évolutions réglementaires témoignent d’une volonté réelle des pouvoirs publics d’embarquer toute la filière du bâtiment dans une stratégie bas carbone sur le long terme. Mais certaines décisions récentes posent question sur la rectitude de la trajectoire pour y parvenir.

Récemment, certains coups de pouce destinés à inciter les Français à la rénovation énergétique des bâtiment ont été revus à la baisse. C’est le cas des certificats d’économies d’énergie (CEE), dont la baisse des aides est en moyenne de 30 % depuis le 1er mai 2022. A partir du 1er juillet 2022, c’est la prime Coup de pouce Chauffage et/ou Isolation qui est supprimée.

Si ces aides ne concernent pas le tertiaire et restent cantonnées au périmètre des particuliers, les décisions prises par les pouvoirs publics envoient tout de même aux professionnels des signes contradictoires qui peuvent les inquiéter.


L’avis de l’expert : Claire Ventejou, responsable transition, climat et innovation

« Oui, le bâtiment est encore le plus gros émetteur de gaz à effet de serre en France. Mais toute une filière est engagée pour réduire son impact sur l’environnement, et les professionnels du secteur réfléchissent collectivement à de nouvelles pratiques. A ce titre, Crédit Agricole Immobilier se tient aux avant-postes de certaines initiatives. Nous faisons par exemple partie du « hub » des prescripteurs bas carbone porté par l’Institut français pour la performance des bâtiments (IFPEB). Ce type de lieu d’échanges permet de produire des études poussées sur les matériaux, l’impact de la RE2020 sur les aspects financiers, etc. Citons aussi notre participation au Booster du réemploi ou encore à la plateforme collaborative Démoclès pour améliorer la gestion et la valorisation des déchets produits par les chantiers du bâtiment. »