La montée en puissance des matériaux de réemploi dans la construction
La montée en puissance des matériaux de réemploi dans la construction
Face à l’urgence climatique et environnementale, la raréfaction des ressources naturelles ou encore les difficultés d’approvisionnement, le réemploi des matériaux apparaît comme une solution durable pour le secteur du bâtiment. Tour d’horizon des enjeux pour y parvenir.

La montée en puissance des matériaux de réemploi dans la construction

Face à l’urgence climatique et environnementale, la raréfaction des ressources naturelles ou encore les difficultés d’approvisionnement, le réemploi des matériaux apparaît comme une solution durable pour le secteur du bâtiment. Tour d’horizon des enjeux pour y parvenir.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) produit près des deux tiers du total des déchets en France. Le bâtiment pèse pour 20 % dans ce volume, soit 46 millions de tonnes. Autant dire que la filière est en première ligne pour mettre en œuvre une bonne gestion des ressources et de leurs usages dans la durée, et se conformer aux obligations réglementaires évolutives.

C’est d’ailleurs tout le sens de l’adoption récente de la réglementation environnementale 2020  (RE2020), inspirée par la phase de test du label E+C- . Cette nouvelle norme établit désormais un cadre précis pour les opérations immobilières. Celles-ci doivent intégrer la notion de poids carbone  réduit grâce à une meilleure gestion de l’énergie et des matériaux. Ces derniers sont en effet associés à un poids carbone déterminé par une analyse de leur cycle de vie, rapportée au nombre de mètres carrés construits.
La RE2020 favorise ainsi le réemploi des matériaux qui sont alors comptabilisés à zéro pour le calcul de l’analyse du cycle de vie en l’absence de FDES (fiche de déclaration environnementale et sanitaire).

Le bâtiment entre dans l’ère de l’économie circulaire

Pour diminuer ce poids carbone et ainsi contribuer à préserver l’environnement, le recours à des matériaux bio- sourcés  comme le bois  est fortement encouragé. L’autre voie est celle des matériaux de réemploi, dont la deuxième vie va contribuer à abaisser le bilan carbone.

Une révolution à bas bruit pour le bâtiment , habitué depuis toujours à mettre en œuvre les principes de l’économie linéaire :

  • Extraction ;
  • Production ;
  • Construction ;
  • Usage ;
  • Déconstruction ;
  • Tri ;
  • Collecte ;
  • Destruction.

Une première étape vertueuse a été celle du recyclage, avec le retraitement du matériau avant sa réinjection dans le cycle au stade de la production. 
Mais pour entrer de plain pied dans un schéma d’économie circulaire, la dimension de la réutilisation des matériaux est incontournable puisque le réemploi permet l’utilisation d’un produit non transformé au besoin réduit en eau et énergie.

De même la déconstruction devient une étape importante : un raccourci est créé pour gérer la dépose et le nettoyage des matériaux que l’on souhaite récupérer pour un nouveau chantier de construction ou de rénovation.

Des freins à lever pour développer de nouvelles pratiques

Sur le papier, le recours aux matériaux de réemploi présente donc beaucoup d’avantages. Ce bénéfice théorique se heurte toutefois rapidement à une réalité complexe et pour parvenir à en généraliser l’usage, plusieurs freins doivent être levés.

  • La complexité du sujet : délais, disponibilités, nombre d’intervenants à gérer, surcharge de travail, changement de méthode, etc. ;
  • Le manque d’expérience et de connaissance sur le sujet ;
  • Le manque de filières adaptées et de compétitivité économique ;
  • Le manque de visibilité sur les taux de valorisation et la traçabilité ;
  • L’absence d’une feuille de route concrète pour guider les actions ;
  • Le recours à la solution de facilité de l’emploi de matériaux neufs

Crédit Agricole Immobilier a identifié à son niveau plusieurs leviers pour développer l’utilisation des matériaux de réemploi :

  • Formaliser la politique de Crédit Agricole Immobilier via une feuille de route économie circulaire ;
  • Acculturer les collaborateurs ;
  • Systématiser la réalisation du diagnostic Produits Équipements Matériaux Déchets (PEMD ou diagnostic Ressources) ;
  • Intégrer le réemploi dans les documents de marchés de maîtrise d’œuvre et des entreprises ;
  • Améliorer l’exemplarité tout au long du chantier.

Des initiatives pour favoriser l’usage des matériaux de réemploi

Plus globalement, plusieurs grands maîtres d’ouvrage publics et privés, dont Crédit Agricole Immobilier, se sont regroupés au sein du Booster du Réemploi, avec l’objectif commun de rendre la demande lisible et prévisible.

Le Booster du Réemploi s’est fixé trois missions :
  • Accompagner les maîtres d’ouvrage et les concepteurs dans leur prescription et leur utilisation des matériaux de réemploi en facilitant les échanges avec les parties prenantes et des partenaires qui innovent dans la construction, le bâtiment et le réemploi ;
  • Regrouper les maîtres d’ouvrage pour massifier le marché du réemploi via un ensemble de donneurs d’ordres ;
  • Donner de la visibilité à la demande via Looping, une plateforme dédiée.

En partenariat avec Construction21, le Booster du Réemploi organise également les Trophées Bâtiments Circulaires, pour distinguer des projets qui valorisent des opérations de construction et de rénovation utilisant des matériaux réemployés.

Les 1001 vies d’une fenêtre bois

Lors d’une phase de déconstruction, une porte en bois pourra être:
  • réemployée telle quelle dans un nouveau bâtiment ;
  • réutilisée pour un autre usage (par exemple pour faire une table)
  • surcyclée (déconstruite pour fournir des lamelles de plancher par exemple) ;
  • recyclée (sous forme de panneaux de bois par exemple) ;
  • valorisée (brûlée pour fournir de l’énergie) ;
  • éliminée.

L’avis de l’expert : Colette Thomas, responsable de projets immobiliers

« L’utilisation de matériaux de réemploi est effectivement assez complexe à mettre en œuvre. Mais si on anticipe le processus ingénieusement, cela peut devenir intéressant, y compris sur un plan financier. Cela suppose un changement de pratiques, avec une approche collaborative, avec des phases de « test and learn » et de partages de connaissances et de ressources. Crédit Agricole Immobilier a déjà conduit plusieurs projets en intégrant cette dimension de l’économie circulaire. Au 8-10 Vaugirard (Crédit Agricole Assurances), nous avons eu recours à des matériaux de réemploi pour la moquette et le faux-plancher, représentant  69 tonnes de CO2 et 49 tonnes de déchets évités, et 1200 m3 d'eau économisés. Au siège de la Caisse Régionale Crédit Agricole Alsace-Vosges, pour une déconstruction et une reconstruction de 13 000 m² tertiaire, ce sont 1,4% de la masse des matériaux déconstruits qui sont valorisés en réemploi, soit 158 tonnes. Et notre réflexion va désormais plus loin : comment construire aujourd’hui en intégrant dès la conception la déconstruction et le réemploi ? »
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